Interview Exclusive de la Secrétaire Nationale chargée de la mobilisation des femmes du CDP

Interview accordée à Renée Traoré de burkinfo.com par Catherine Ouedraogo
Madame Ouedraogo, voici, après un long sondage effectué auprès de nos lecteurs, les questions qui y sont ressorties.
Question 1. Madame Ouedraogo, en tant que pionnière concernant les droits des femmes, pensez-vous que celles-ci sont respectées à leur juste valeur au Burkina Faso ?
Tout être humain a une valeur.
Cependant, on ne doit pas occulter le fait que les hommes comme les femmes évoluent dans des sphères sociétales différentes. Ainsi, la vie en communauté sera une des caractéristiques indissociable de l’Africain.
Le concept du droit de ce fait, ne peut en aucun cas, extraire l’individu de la société dans laquelle il évolue. N’en parlons pas de la femme africaine.
Dans un contexte africain où la dimension culturelle détermine la valeur des êtres et des choses, la femme africaine a traversé le temps, marqué par les évolutions externes, étrangers à leur milieu originel.
Au Burkina Faso, il faut dire que l’époque révolutionnaire à partir de 1983, a marqué de façon concrète et décisive l’évolution de la femme désormais considérée comme une partenaire incontournable du développement.
Ainsi, on commence à parler haut et fort, non pas du devoir de la femme tout court, mais aussi du droit de la femme.
On commence à la voir dans différents métiers : chauffeures de taxi, maçonnes, agentes de stations, et progressivement dans des milieux jamais imaginés tels les corps habillés (agentes des eaux et forêts, polices, gendarmeries, militaires, etc….)
Mais est- que la femme est considérée pour autant à sa juste valeur ?
Cela suppose que la femme elle-même y mette de sa volonté à transcender certaines insuffisances en soi. Il y a pour une grosse part du vouloir s’affirmer et de se donner les moyens pour se défendre, s’affermir, revendiquer, s’éduquer, décider pour elle-même.
Un long chemin encore à parcourir, mais prometteur car de plus en plus, les femmes s’organisent sous différentes formes principalement associatives ou de la société civile. Elles créent des groupes de pression autour des choses qui leur sont spécifiques ; le lobbying devient une pratique courante pour se faire entendre.
Question 2- Pouvez-vous nous en dire plus sur votre quotidien, vos missions sur le terrain et votre rôle au sein de la politique ?
Je suis rentrée en politique en 1983 dès l’avènement de la Révolution. Cela fait exactement 37 bonnes années !!! Comme le temps passe !
J’ai été membre active des Comités de Défense de la Révolution.
J’ai principalement participé à la mise en place de la structure nationale des femmes appelée « Union des Femmes du Burkina » (U.F.B.)
J’ai été recrue de la première promotion féminine pour la formation militaire.
La politique, ça mène à tout. Ainsi,
J’ai assumé un poste administratif en tant que Haut- Commissaire de Province
J’ai occupé deux postes diplomatiques au Canada et en Italie en qualité d’Attachée d’Ambassade
J’ai été enfin élue au parlement.
Donner en détail le capital de connaissances acquises tout le temps de ces expériences serait fastidieux, vous en conviendrez.
Vous voyez que j’ai passé plus d’un quart de siècle en politique exclusivement et si Dieu me donne santé et longévité, je me donne encore plusieurs années de fantastiques chevauchées sur ce terrain.
J’ai donné le qualificatif de « fantastique » parce-que la politique ouvre les yeux sur la nature humaine et forge en la personne un caractère combattif de gagnant.
Je suis une femme de terrain. J’aime le contact avec les gens, me coller à leurs préoccupations que je m’attèle à vouloir résoudre. En terme clair, j’aime me sentir utile. Cela fait que je suis presque partout car j’aime parler de ce que j’ai vu et entendu. J’ai une sacrée sainte horreur du «il paraît que ».
Question 3 – Comment le CDP voit-il le rôle des femmes dans le parti ; le leadership dans le pays est-il pris au sérieux ?
Le CDP a été à l’origine des 30% de femmes dans les structures. L’exemple ayant été suivi par l’ensemble des partis politiques, les élections municipales ont vu grimper le nombre de femmes élues lors des élections municipales dans un passé récent.
Toutefois, la question devient épineuse lorsqu’on parle des élections législatives. On peine à positionner les femmes de sorte que même les 30% ne sont pas atteints. Plusieurs raisons expliquent cela.
De nos jours au CDP, , une (1) femme sur onze (11) figure parmi les Vice-présidents en qualité de Vice-présidente chargée du genre, une autre en qualité de Secrétaire en charge des affaires sociales et une en qualité de Secrétaire Nationale chargée de la mobilisation des femmes ; De façon exhaustive, 17 femmes sur 130 (soit 22, 1%) sont membres du Bureaux Exécutif National. Insuffisant !
Pour vous dire qu’il y a nécessité d’élaborer au sein de notre parti une stratégie en adéquation avec les attentes de nos nombreuses militantes, qui prenne en compte la formation et les interventions de terrains en lien avec leurs préoccupations au quotidien.
En cette veille des élections présidentielles et législatives (22 Novembre 2020), nos militantes affûtent leurs armes (exemple des formations en leadership/lobbying auprès des partenaires masculins pour une prise en compte effective des femmes sur les listes électorales/plaidoyer pour le positionnement alterné (homme/femme ou vice versa).
Malgré tous ces efforts, il n’est pas évident qu’on atteigne ces objectifs si une volonté politique n’accompagne pas ce processus.
Question 4 – Pouvez-vous nous en dire plus sur les relations que vous (au nom de toutes les femmes) avez avec Eddie Komboïgo, candidat choisi pour les élections présidentielles de cette année ?
Eddie Komboïgo est le Président du parti ; il est le candidat choisi par le parti pour les prochaines élections présidentielles.
La relation que j’ai avec lui, est une relation de camarades d’un même parti. Bien évidemment, étant membre du Bureau exécutif national, les contacts et les échanges sont plus fréquents qu’avec d’autres militants. J’avoue que je ne le ménage pas tant que j’ai des doléances à lui soumettre concernant les sollicitations des femmes dont j’ai la charge.
Le connaissant ouvert à tout le monde, à l’écoute de tous, je n’hésite jamais quand il le faut à l’approcher. Cela est valable pour tous les responsables ou même pour toute personne désirant le voir. Raison pour laquelle il ne donne presque pas de rendez- vous, chacun étant reçu dans ses bureaux sans distinction aucune, compte tenu tout de même de son emploi du temps.
J’ai beaucoup de considération pour notre président ! Une de ses qualités qui me fait aller de l’avant demeure sa sérénité et sa volonté d’aller vers son objectif sans se laisser influencer par quoi que ce soit ni qui que ce soit.
Généreux à souhait, et en toute discrétion pour beaucoup de ces actions de bienfaisances, il sait déjouer des pronostics, démontrant sa grande connaissance des hommes surtout dans un milieu aussi sévère que celui de la politique.
Je peux parler longuement de lui, mais je m’en tiens à ses qualités à travers lesquelles je trouve personnellement matière à m’enrichir.
Je ne finirais pas ce volet sans parler de son épouse, une charmante femme, discrète mais soutenant à 100% son époux.
Question 5 – A trois mois et demi des élections, le parti du Congrès Pour la Démocratie et le Progrès, peut-il consentir à la victoire ? Pourquoi ?
Si nous n’avions pas confiance en nous quant à l’aboutissement heureux de notre engagement pour la victoire en Novembre prochain, nous n’aurions pas choisi notre représentant pour les élections à venir !
Question 6 – Avec toutes les expulsions, les démissions, les querelle au sein du parti et les histoires auxquelles Eddie Komboïgo doit faire face, pouvez-vous nous décrire la situation actuelle au sein CDP ? Chaotique ? Maîtrisée ? Pouvez-vous commenter sur la situation avec Mahamadi Lamine Kouanda et d’autres personnalités importantes dans le pays qui ont été expulsées ?
Maîtrisée !!
Après tant de péripéties, il y a de quoi aguerrir une personne ou un parti ! Il y a un vent d’assainissement qui continue de s’opérer et qui instaure au fil du temps une sérénité certaine. Un parti sans discipline est voué à la décomposition et à l’implosion.
Le CDP est un parti dont les textes fondamentaux sont des plus précis, clairs et qui dictent de manière sérieuse la marche à suivre pour un renforcement de ses structures, du sommet à la base. Là où règne la pratique démocratique, on ne doit pas se frotter les mains et penser que les choses couleront de source comme un fleuve tranquille. Les opinions plurielles seront sources de contradictions souvent houleuses.
C’est ce qu’a vécu le CDP et c’est ce que vivront bon nombre d’autres partis. La preuve se trouve dans les sempiternelles démissions de militants pour aller vers d’autres formations politiques. La question du nomadisme politique a toujours de beaux jours devant elle. Cela ne peut être interprété comme un tsunami qui va empêcher le CDP d’avancer vers la victoire.
Question 7 – On a vu, durant la conférence de l’UPC, Eddie Komboïgo être très proche de Zephirin Diabré. Est-il vrai qu’Eddie Komboïgo pourrait sortir de la course et devenir le numéro 2 de l’UPC.
Le CDP et l’UPC sont deux formations politiques membres du CFOP. C’est un cadre de concertation pour permettre aux partis politiques de l’opposition d’harmoniser leurs points de vue et de s’accorder sur une plateforme de lutte et d’activités. Il se crée de ce fait une proximité qui ne peut qu’être salutaire entre les deux mais aussi avec les autres membres du CFOP.
Vous entendez de plus en plus parler d’une alliance entre membres du CFOP et aussi avec de probables arrivées de nouveaux partis dans l’opposition. Elle sera matérialisée par une cérémonie de signature des premiers responsables des partis et à ma connaissance, c’est une première dans l’histoire du Burkina politique.
Des décisions aussi importantes telles que le désistement d’un président en faveur d’un autre président, ne peuvent se prendre seulement et exclusivement entre les deux personnalités sans se référer à leurs structures internes respectives.
Du reste, il va s’en dire qu’une telle Alliance supposera un comportement électoral qui va engager tous les partis signataires, mais seulement après le 1er tour des élections.
Question 8 – Selon les rumeurs, Blaise Compaoré contrôle Eddie Komboïgo et donc le parti CDP entier, sans vous laisser la possibilité de vous exprimer, pouvez-vous commenter s’il vous plaît ?
D’après vous, je devrais envoyer à Monsieur Blaise COMPAORE le contenu de cette interview pour appréciation avant de vous l’envoyer !!
S.E Monsieur Blaise COMPAORE est le fondateur incontesté du CDP. Il ne vient à l’esprit d’aucun militant de ce parti de contredire cela. Il est le socle fédérateur des graves décisions et c’est au vu de cela que le VIIème Congrès lui a conféré des prérogatives encore plus élevées.
Ainsi est- il sollicité par la direction politique chaque fois que le parti est confronté à de graves problèmes. Cela ne veut pas dire qu’à chaque fois que la direction doit tousser, il faut saisir le fondateur qui, du reste nous a souvent renvoyés à nos textes lors de certaines contradictions.
Nous avons inculqué à nos jeunes le profond respect que nous vouons au Président fondateur et c’est tout à fait légitime.
Interview menée par Renée Traoré pour Burkinfo24